Quand des chômeuses parlent du boulot... ça donne envie de lutter !
Tant bien que mal, les permanences du réseau solidaire d'allocataires se tiennent le lundi matin devant la CAF de Cergy.
Et aujourd'hui, la curiosité pousse deux femmes, qui ne se connaissent pas entre elles, à s'arrêter. Allez savoir pourquoi, la parole se libère, et malgré le froid, les démarches à faire, les tâches quotidiennes, nous serions bien restées plus longtemps à discuter du chômage, du travail, et des femmes dans tout ça. Heureusement, les permanences, c'est tous les lundis matin !
L'une est licenciée depuis peu, et a encore du mal à se dire au chômage, même à un enquêteur pour un sondage téléphonique. Elle élève seule un enfant de 5 ans, et n'a droit à quasiment aucune aide. L'autre a une collection de CDD et de contrats précaires et comme ses enfants sont adultes même s'ils ne sont pas forcément encore autonomes, elle n'a plus droit à rien.
Avec ou sans boulot, il y a des questions qui ne se posent qu'aux femmes... ou qu'on ne pose qu'à elles. On connait l'employeur qui demande à une future salariée si elle compte avoir des enfants. Là, c'est Pôle Emploi qui conseille d'effacer la mention "un enfant" du CV, et même de mentir au recruteur lors d'un entretien d'embauche.
A quelques pas du magasin Auchan du centre commercial des Trois fontaines qui ferme tous les soirs à 22h, le cercle vicieux des horaires décalés se déroule. A quel autre moment faire ses courses qu'à 21h, quand c'est l'heure où on rentre chez soi après une heure ou deux de transport ? Mais en même temps, est-ce que ça ne serait pas mieux de finir toutes plus tôt ?
Evidemment, vu le nombre de jobs où il faut finir à 20h ou 22h, la question des horaires se posent très fortement. Et celle du coût d'une garde d'enfants, qui fait parfois perdre tout le "gain" financier d'un emploi salarié.Une des précaires évoquent une offre d'emploi avec des horaires de 6h à 14h. Et les gamins, on en fait quoi à cette heure-là ? Pas question de les lever à 4h du matin, quand bien même il y aurait une crèche d'entreprise !
Les entretiens d'embauche en prennent pour leur grade. "Quand un patron me demande quelle est ma motivation pour cet emploi, j'ai juste envie de lui dire que je n'en ai aucune !" A part qu'il faut bien bouffer et payer ses factures, et qu'il y a des dizaines, des centaines de personnes qui font la queue pour le boulot. "Votre personnalité fera la différence dit une annonce MacDo, ça juste veut dire qu'on prendra ceux qui acceptent les conditions au rabais, les horaires pourris"
Et le boulot, nos chômeuses n'en gardent pas que des bons souvenirs.
L'une d'elles raconte son expérience d'assistante commerciale. "On nous demandait de vendre des produits, et de prendre un accompte. Après seulement on disait au client qu'il y avait 8 semaines d'attente pour le produit, le temps de le faire fabriquer! On avait les client qui hurlaient au téléphone tous les jours. J'y pensais le soit à la maison, je me disais, demain, je vais avoir tel client en ligne, cela va mal se passer, qu'est-ce que je vais bien pouvoir lui dire ? Au bout d'un moment, j'ai dit aux autres : mais c'est fou, on nous fait vendre toute la journée des produits qu'on n'a pas !"
L'autre raconte comment, avant la naissance de son premier enfant, elle avait besoin d'argent pour acheter tout le matériel de puériculture, et bossait de 8 à 20h. Quand elle sortait de chez son médecin, elle déchirait l'arrêt de travail car elle ne pouvait pas se permettre un arrêt maladie. Résultat, une grosse alerte à 6 mois, et un accouchement à 8 mois de grossesse...
Voilà, en condensé, une conversation qui a débuté sur l'invisibilité de la parole des précaires... Mais si, nous avons les moyens de nous faire entendre !