Le guide des contrôles CAF (1): RSA et vie maritale supposée

 

CONTROLES CAF, VIE MARITALE SUPPOSEE ET MORT SOCIALE AVEREE



Ces dernières années, les femmes ont été la principale cible des contrôles de la CAF : c’est d’abord parce que la précarité les frappe encore plus que les hommes. Aux salaires plus bas, correspond naturellement la dépendance accrue vis-à-vis des prestations sociales. De plus, l’immense majorité des parents isoles sont aujourd’hui des mères : beaucoup au chômage ou à temps partiel, et donc allocataires du RSA. 


Dans les magazines féminins, dans les séries télé, les femmes indépendantes et leurs relations amoureuses sont une source inépuisable de scénarii, et de sujets psycho. 

Dans la vraie vie, la CAF ne connaît que deux possibilités : le célibat monastique ou la «  vie maritale ». 

    

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Des milliers et des milliers de femmes sont aujourd’hui privées du RSA, et de l’allocation logement parce qu’un contrôleur a décidé qu’un homme partageait leur vie. 

Il suffit de peu : votre ex reçoit son courrier à votre domicile parce qu’il n’a pas encore trouvé de solution stable d’hébergement suite à votre séparation. Votre colocataire est un homme, ou vous hébergez sur la durée un ami dans le besoin.  Le père de vos enfants vous a rendu service en assurant votre véhicule ou en ouvrant une connexion Internet à son nom. 

 

Plus sordide et très banal, les voisins dont le contrôleur a sollicité le témoignage, ont affirmé que vous viviez bien avec tel ou tel. 

 

Aujourd’hui, un seul de ces éléments suffit pour le contrôleur à suspendre immédiatement les allocations, pour « suspicion de fraude » et ce, avant même que la procédure soit arrivée à son terme. 

Seules, souvent mal informées, les femmes précaires perdent vite pied : comment faire un recours efficace quand on ne connaît pas ce qui figure exactement dans le dossier ?

dans l’immense majorité des cas, les Caf n’informent pas l’allocataire de son droit à consulter immédiatement le rapport de contrôle et l’intégralité de leur dossier. 

De plus, elles se retrouvent très vite confrontées à un problème simple : s’il est facile de prouver la vie commune avec un tiers, il est souvent impossible de prouver cette absence de vie commune. 

Tout est plus simple si le « concubin » supposé a son propre logement : mais s’il est lui-même dans la précarité, hébergé chez des tiers, ou si c’est le colocataire, ça devient quasi impossible. 

 

L’ambiance de culpabilisation est telle que les femmes en viennent souvent à croire que la simple existence d’un rapport amoureux entre elles et un homme, est constitutive d’une « fraude », quand bien même celui-ci ne vit pas de manière stable au domicile, et ne contribue en rien aux besoins financiers du foyer. 

Les contrôleurs CAF savent jouer de cette auto-culpabilisation : dans de nombreux cas, lors de la visite domiciliaire, le contrôleur ou la contrôleuse prétend avoir les éléments nécessaires à la preuve de la « vie maritale ». Il incite alors la femme à signer une véritable déclaration de « culpabilité » ou elle reconnaît le concubinage, en lui expliquant que la reconnaissance des faits lui évitera ainsi une amende trop lourde. 

 

Mais « faute » avouée n’est jamais pardonnée par la CAF, en tout cas. 

Actuellement, les contrôles de ce type se terminent toujours de la même manière :

  • retrait des allocations liées à des conditions de ressources,

  • demande de remboursement de toutes les allocations en cause sur au moins deux ans, dans un premier temps. 

Désormais, la plupart des Conseils Généraux déposent plainte à partir de 12 000 euros de trop perçus. Douze mille euros, ça fait beaucoup à première vue, mais en réalité, cela correspond à deux ans d’allocations parent isolé plus allocation logement, donc à l’immense majorité des cas où le contrôle aboutit à la conclusion de « vie maritale ». 

Mais pour ces femmes, le cauchemar en réalité ne s’arrête même pas à une condamnation pénale ou au remboursement progressif de la somme prétendument due.  

Tout simplement parce que la « vie maritale » décrétée par la CAF ne vaut pas que pour le passé, ni seulement pour la CAF.  dore-police et pauvres

Aujourd’hui, de plus en plus, dans nos permanences se présentent des femmes « réputées «  concubines d’un homme avec qui, parfois, elles n’ont plus aucun contact, avec le père de leurs enfants, qui ne peut ou ne veut pas s’en soucier. 

Ces femmes, condamnées par la CAF, mais parfois aussi par la justice sont dans l’impossibilité de prétendre à quelque allocation que ce soit, dès lors qu’elles sont soumises à conditions de ressources. 

Même deux ans après, la CAF leur oppose un refus qui commence toujours par « d’après un contrôle réalisé à telle date, vous vivez avec Mr… ». 

Et ce sont alors non seulement les prestations de la CAF qui deviennent inaccessibles mais aussi, l’accès à l’ensemble des droits sociaux.

Beaucoup de femmes et leurs enfants se retrouvent désormais sans CMU. Le calcul du tarif de la cantine, ou des centres de loisirs est fait au maximum. Les aides financières départementales sont réduites ou refusées. 

 

C’est ni plus ni moins la mort sociale. 

Dans l’absolu, naturellement, il existe des recours. Tout allocataire peut théoriquement monter un nouveau dossier et demander une nouvelle évaluation de sa situation. Théoriquement, la contestation devant le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale est ouverte dès que le recours gracieux a reçu une réponse négative. 

Mais actuellement, dans la plupart des CAF des quartiers populaires, rencontrer un simple agent d’accueil quelques minutes, nécessite souvent une matinée d’attente. Les assistantes sociales de la CAF ne sont quasiment plus jamais là.

 

La réponse au recours arrive souvent après deux, trois, quatre mois.

 

Un délai suffisamment long pour une plongée dans l’abime de la précarité. Le plus souvent les consultations « juridiques » gratuites des mairies ou des maisons du droit ne répondent pas À ce type de questions, quand ceux qui en font état ne sont pas regardés avec suspicion. 

Aujourd’hui, beaucoup d’associations d’« aide aux démunis » fonctionnent avec le financement de l’Etat, du Conseil Général et, pour celles ouvertes aux familles, de la CAF. Elles sont donc peu enclines à prêter main forte aux allocataires pour engager des procédures contre leurs financeurs. 

Bref les CAF et les Conseils Généraux ne craignent pas de multiplication des procédures en justice. 

Pourtant, nous sommes nombreuses.  Mais trop isolées et trop silencieuses. 

 

Au Réseau Solidaire d’Allocataires, voilà plus de deux ans que la résistance aux contrôles CAF est devenue une préoccupation quotidienne. 

 

La résistance commence dans nos têtes : nous ne sommes pas des coupables en puissance. 

 

mains-aux-barreaux.jpgLa plupart des femmes allocataires se vivent comme des "fraudeuses" dès lors qu’elles ont une relation amoureuse et n’en font pas état.

Le système de contrôle et de harcèlement mis en place par la CAF a réussi à nous faire oublier la question fondamentale : pourquoi une relation, même stable avec un homme devrait-elle légalement nous priver de nos prestations sociales ? 

Pourquoi devrions-nous être dépendantes des ressources du compagnon, pour nous et nos enfants ? 

Au quotidien, cela signifie bien une relation d’inégalité et de pouvoir, même si tout peut bien se passer. Et en cas de problèmes, si le compagnon décide à l’inverse de la CAF qu’il n’y a pas vie maritale, alors nous sommes dépourvues de tout. 

Cette dépendance économique est bien une des causes de l’emploi précaire et sous payé : privées de droits sociaux mais désireuses de garder notre indépendance, nous sommes donc contraintes d’accepter n’importe quoi. 

La résistance aux contrôles, par l’échange de témoignages et d’expériences, permet de prendre conscience des tenants et aboutissants de cette machine absurde.  

A partir de là, nous n’avons donc aucune raison de nous sentir coupables de tout mettre en œuvre pour cacher la réalité de notre vie privée à la CAF, parce qu’il n’y a rien qui justifie de devoir en faire état. 

 

Oui mais comment ?

La deuxième partie de ce texte est un guide de résistance quotidienne, juridique et pratique. Il reprend des éléments développés dans d’autres articles, écrits avant la mise en place du RSA, et en développe d’autres. 

Pas de solution miracle, pas de sauveur suprême, cependant. 

Ces dernières années, si nous sommes parvenues, parfois à faire reculer la machine de guerre de la CAF, c’est que le Réseau Solidaire d’Allocataires est bien un « nous ». 

Un « nous »  solidaire qui met les galères en commun, qui partage la colère. Des femmes de Champigny qui envahissent la CAF de Créteil pour l’une des leurs. Des précaires qui passent des soirées À rédiger les recours d’autres précaires. 

Aussi, si ces quelques conseils peuvent vous permettre d’éviter le pire ou au moins de le retarder, il vous sera nécessaire, sûrement de sauter le pas et d’aller à la rencontre d’autres concernéEs, de trouver le temps de la solidarité ! 


Avant le contrôle, connaître l’ennemi et préparer l’interrogatoire. 
 

1°) La CAF doit nécessairement vous avertir par courrier de la venue d’un contrôleur. Sur ce courrier, fréquemment, figure uniquement le numéro de téléphone du contrôleur et une demande de rappel pour un rendez-vous. 

NE RAPPELEZ PAS, mais rendez-vous immédiatement à votre CAF, afin d’exiger une notification écrite avec la date exacte du rendez-vous. 

Dès le début de la procédure, il est en effet nécessaire de garder des traces écrites de son déroulement. 

 

2°) Depuis l’entrée en vigueur du décret « train de vie des allocataires de minima sociaux » ,la CAF a pu sans votre autorisation contacter un certain nombre d’institutions , en plus de l’accès qu’elle avait déjà à votre fichier aux impôts, au Pôle Emploi, à la Sécurité Sociale et autres institutions publiques. 

Désormais, elle peut interroger votre bailleur, votre banque, votre fournisseur d’électricité ou d’Internet, votre assureur… 

Nous vous conseillons de vérifier auprès de ces interlocuteurs privés l’existence d’éventuelles demandes de la CAF. D’après nos informations, certaines banques notamment refusent de répondre à un autre interlocuteur que le Trésor Public. 

Vous aurez en tout cas, en faisant le bilan des informations données à ces institutions, une idée précise de ce que le contrôleur peut éventuellement vouloir utiliser pour vous plomber. 

 

3°) Le contrôleur à  l’obligation légale de vous fournir une liste EXACTE des documents qu’il souhaite voir produits.

Le jour du contrôle, donc, ne fournissez aucune pièce supplémentaire, même si elles sont anodines, et exigez une nouvelle demande écrite pour ces nouveaux documents.

C’est important car un contrôleur n’est pas un policier, et n’a pas le droit de vous demander tout et n’importe quoi. Le contraindre à mettre ses demandes par écrit peut-être utile pour l’avenir, lors d’une éventuelle procédure contentieuse .

 

4°) Les contrôleurs sont des agents assermentés, ce qui signifie que leur parole a tout simplement plus de poids que la vôtre ! Raison pour laquelle, il est nécessaire de se prémunir, par la présence de témoins de tout abus qu’on ne pourrait pas prouver ensuite. 

Il est donc très important de trouver un proche ou un membre d’un collectif de précaires, ou un avocat qui soit présent le jour du contrôle, et soit éventuellement prêt à témoigner ensuite nominativement.  

Nous vous conseillons aussi d’enregistrer discrètement le contrôle : si les enregistrements ne sont pas forcément utilisables en justice, la mention de leur existence peut-être très utile en cas de conflit. 

 

Pendant le contrôle

 
interrogatoire de l'inquisitionIl y autant de « méthodes » d’interrogatoire que de contrôleurs. Certains conçoivent leur métier de manière « humaine » et s’astreignent à respecter certaines limites.

D’autres au contraire, et ils sont majoritaires, ont intégré totalement la vision de leur employeur sur les allocataires, qui pour eux, sont TOUS des fraudeurs potentiels. Parmi ceux-là, certains adopteront la méthode du « méchant » flic, se montreront menaçants, alarmistes et volontairement désagréables pour vous faire perdre pied. D’autres au contraire tenteront de vous rassurer, en vous expliquant que la situation n’est pas si grave si vous reconnaissez les prétendus torts qu’ils veulent vous faire admettre.

Certains vous bombarderont de questions agressives, et de menaces et quitteront les lieux en vous promettant de graves ennuis. D’autres au contraire tenteront d’instaurer une ambiance propre aux confidences, vous laisseront exposer votre situation dans les détails, et vous laisseront l’impression que tout s’est bien passé et que vous êtes sortie d’affaire. 

 

Peu importe. Vous devez garder à l’esprit que vous n’avez pas en face de vous un individu, mais un agent de la CAF : il applique une politique globale, fondée sur des textes précis qui sanctionnent certains éléments de votre vie privée, la solidarité dont peuvent faire preuve vos proches, et le moindre écart à une réglementation volontairement complexe. 

Vous ne devez donc pas entrer dans un rapport personnel, mais au contraire formaliser au maximum cet entretien, et lui montrer que vous connaissez vos droits. 

 

1°) Recevez le de préférence dans votre entrée, après avoir demandé sa carte professionnelle et avoir vérifié ostensiblement avec le courrier qui vous a été  envoyé. S’il souhaite pénétrer plus avant dans votre domicile, c’est à lui de le demander et d’indiquer très précisément ce qu’il souhaite vérifier. 

Présentez les témoins présents, et indiquez que vous faites ainsi valoir votre droit à l’accompagnement. 

 

2°) Prenez des notes et prenez votre temps !

Consignez l’heure du début de l’entretien, puis notez systématiquement chaque question posée avant d’y répondre.

 

3°) Faites des réponses les plus brèves possibles, ne racontez pas votre vie.

Vous n’êtes absolument pas obligée de répondre à quelque question que ce soit concernant votre vie amoureuse, passée, présente ou à venir. Il n’y a pas à répondre, par exemple, sur la qualité des relations avec le père de vos enfants, sur votre éventuel projet d’installation avec un homme qui pour l’instant ne vit pas à votre domicile.

Vous trouverez plus bas les éléments qui constituent juridiquement la vie maritale, et le type de preuves que le contrôleur doit réunir. De fait, les relations amoureuses, même stables, lorsqu’elles ne se doublent pas d’un intérêt financier commun n’entrent pas dans ce cadre. 

Si le contrôleur fait état de faits avérés, comme une facture réglée par votre compagnon, ou des courriers reçus à votre domicile ou au sien, s’il remarque des versements sur votre compte, ne paniquez pas. Le silence vaut toujours mieux qu’un mensonge inventé à la va vite qui va vous exposer à de nouvelles contradictions, ou à un « aveu » formulé dans l’espoir de prouver votre bonne foi. 

 

4°) Dites que vous apporterez à ces questions une réponse écrite suite au contrôle afin de permettre À la CAF de trancher. 

De même, ne vous laissez pas intimider par des énoncés se référant aux fameuses enquêtes de voisinages, c'est-à-dire à des affirmations prétendument tenues par des tiers, voisins ou autres.

Au contraire, rappelez au contrôleur, que vous avez droit au respect de votre vie privée, d’une part et qu’il est de son côté soumis au secret professionnel. 

 

5°) Indiquez que vous comptez bien demander l’accès à ces témoignages, et que vous vous réservez le droit de poursuivre toute divulgation d’éléments relatifs à votre dossier d’une part, et toute diffamation d’autre part. 

Si la discussion devient trop intrusive, ou que les choses s’enveniment, n’hésitez pas à couper court, et à mettre fin à l’entretien. 

 

Après l’interrogatoire 


Vous donnerez immédiatement au contrôleur un courrier exigeant la communication du rapport de contrôle dès que celui-ci aura été rédigé. Vous exigerez un accusé de réception de cette demande. Vous doublerez la démarche soit en déposant le même courrier à la CAF, soit en l’envoyant en recommandé. 

  • Vous refuserez de signer quelque document que ce soit « à chaud » mais exigerez une copie  des éventuels documents qu'on vous demande de signer afin de pouvoir la lire et de prendre une décision.

  • Vous rédigerez le plus rapidement possible, un descriptif du contrôle, en notant tous les éléments importants, vos impressions…C’est très utile pour la suite, notamment si vous devez faire face à d’autres entretiens.

 

La guerre psychologique a commencé….  

 

La plupart des contrôlées malheureusement, ne contactent un collectif de précaires qu’après coup. Alors, tous ces conseils ne vaudraient rien, si l’on ne parlait pas d’un élément qui compte autant que le contenu «  pratique » du contrôle, sa dimenque-faire-en-cas-de-controle-CAF.jpegsion psychologique, et ses effets.  

Dans les témoignages que nous recevons quotidiennement, ressortent toujours les mêmes descriptions : le sentiment de peur, d’humiliation ressenti pendant et après le contrôle. L’impression extrêmement brutale qu’un individu inconnu a violé notre intimité, porté un jugement extrêmement dévalorisant sur notre vie.

Après le contrôle, les frontières deviennent floues : on voit brusquement ses relations, les liens de solidarité, d’amitié ou d’amour avec des proches avec le regard de l’administration, celui de la « fraude ». On ne sait plus très bien si l’on a caché « volontairement » telle ou telle relation, ou si tout simplement on n’a pas pensé que cela pouvait regarder la CAF. On se demande jusqu’où le contrôleur peut remonter, combien d’années de nos vies peuvent être interrogées ou questionnées. 

On doit gérer l’angoisse de perdre ses allocations, de devoir rembourser des années de prestations, mais aussi des poursuites pour « fraude ».

Mais aussi bien souvent, les relations avec un entourage que le contrôleur est allé interroger. Croiser son voisin de palier, sa gardienne d’immeuble devient un calvaire. 

Et surtout, comme dans le cas de nombreuses agressions, et surtout quand on est une femme, on se sent coupable parce que la prétendue «  fraude » est socialement et médiatiquement stigmatisée. On se terre dans le silence, parce qu’on a peur d’être cataloguée comme coupable par son entourage alors qu’on est victime. On ne trouve pas les mots de toute façon pour raconter l’extrême violence de ce qui, vu de l’extérieur reste un simple entretien avec un agent assermenté. 

C’est dans cet état de faiblesse psychologique qu’il faut souvent faire face à la suite immédiate du contrôle : les demandes très pressantes d’explications et de nouveaux documents à fournir, les coups de téléphone du contrôleur ou les courriers plus ou moins menaçants. 

 

1) Par expérience, nous vous conseillons de laisser passer quelques jours, au moins une semaine après le contrôle, pour prendre du recul et faire le point. Ne vous laissez pas impressionner par les délais extrêmement courts fixés par le contrôleur ; quelques jours de plus ou de moins ne changeront absolument rien à votre situation. Chaque contrôleur gère des dizaines de dossiers.  

Ne cédez pas à l’angoisse qui vous pousse à courir à la CAF pour rencontrer un autre interlocuteur, dans l’espoir que celui-ci sera plus humain, et pas non plus à l’envie d’« avouer »  tout et n’importe quoi, de signer une déclaration de concubinage, juste pour qu’on vous foute la paix. 

 

2) Beaucoup de contrôlées nous écrivent en ayant décidé de renoncer à leurs droits futurs, pour savoir si la CAF peut s’en contenter. De fait, la CAF ne coupe quasiment jamais les droits actuels sans exiger le remboursement des droits perçus antérieurement, et si vous faites cette proposition, elle sera interprétée comme une preuve de faiblesse. 

De toute façon, même si faire l’autruche peut fonctionner quelques temps, même si l’on vous souhaite à tout le monde de gagner au Loto et de pouvoir se passer des prestations de la CAF, la réalité sociale est bien différente, et très souvent, au bout de quelques mois, l’on se retrouve de toute façon à la case départ, avec les conséquences du contrôle à affronter. 

 

3) Prenez le temps de lire les nombreux témoignages sur ce site, mais aussi partout sur le net. Vous n’êtes pas seule à vivre cette situation, et cela vous fera du bien de le découvrir. 

Cela vous permettra aussi de rétablir la réalité, bouleversée et faussée par le jugement de la CAF : à la finale, si vous êtes contrainte de faire appel aux prestations sociales, c’est bien parce que vous n’appartenez pas aux rangs de ceux qui n’ont aucun problème financier et pas de difficultés à boucler les fins de mois. Si vous avez caché l’aide d’un proche, un petit boulot ou d’autres choses, c’est parce que vous aviez le choix entre ça et ne pas pouvoir boucler votre budget de manière décente. 

 

LE SEUL SALAIRE DES CONTRÔLEURS, AJOUTÉ AU COÛT GLOBAL DU CONTRÔLE, À CELUI DU DÉVELOPPEMENT D’OUTILS INFORMATIQUES ET AUTRES EST BIEN SUPÉRIEUR AU MONTANT DES ALLOCATIONS SOI DISANT INDUMENT PERCUES

 

METTEZ-VOUS DANS LA TÊTE QUE VOUS N’AVEZ RIEN VOLÉA PERSONNE, ET SURTOUT PAS À« CEUX QUI TRAVAILLENT ET SE LÈVENT TOT ». LA PREUVE : DEPUIS DES ANNEES, LES DROITS SOCIAUX SE REDUISENT COMME PEAU DE CHAGRIN ET POUR AUTANT, LE NIVEAU DE VIE DES TRAVAILLEURS LOIN D’AUGMENTER, NE CESSE DE CHUTER. 

 

Bref, vous défendre, c’est totalement légitime.

Surtout dans un pays qui proclame hypocritement les droits de la femme comme une valeur intangible, mais institutionnalise la violation de la vie privée de celles qui sont précaires et isolées. 

 

MAIS AU FAIT, QU’EST-CE QUE CETTE FAMEUSE VIE MARITALE ? QUEL EST LE FONDEMENT DE CETTE NOTION QUI PERMET A LA CAF DE NOUS PRIVER DE TOUTE RESSOURCE ? 

 

Pris dans l’urgence du contrôle, plus globalement habitués à la propagande « anti-fraudes », il y a des questions que l’on ne se pose même plus. 

POURTANT LA DEMARCHE DE LA CAF POUR CALCULER LE RSA EST FINALEMENT ASSEZ ORIGINALE. QUELLE AUTRE INSTITUTION EN FRANCE A LE DROIT DE DÉCRÉTER QUE 2 PERSONNES FORMENT UN « FOYER », ET PLUS PRECISEMENT UN « COUPLE » LORSQUE CES PERSONNES LE CONTESTENT ? 

 

En fait, aucune. De fait, le droit français ne connaît que deux types de contrats qui impliquent une solidarité financière entre deux personnes, le mariage et le PACS. Dans ces deux cas, les personnes choisissent formellement de se lier et de concourir aux besoins l’une de l’autre. 

Deux décisions de la Cour de Cassation de 2004 et de 2005 ont confirmé qu’aucune solidarité réciproque n’était exigible, même dans le cadre du concubinage. Selon ces décisions, le concubinage implique par ailleurs nécessairement une vie commune sous le même toit, condition nécessaire, mais pas suffisante. 

Socialement, le fait de refuser toute prestation autonome à un membre du couple marié ou pacsé est déjà une injustice : de fait, c’est créer entre deux personnes un rapport de dépendance absolue dès lors que l’une d’entre elles n’a plus accès à une forme de revenu salarié. 

 

MAIS, LORSQUE LA CAF DECIDE D’ALLER BIEN PLUS LOIN, EN IMPOSANT LA QUALIFICATION DE COUPLE A DEUX PERSONNES QUI LA REFUTENT, ELLE SE SITUE HORS DE TOUT CADRE LEGAL.  

 

C’est la raison pour laquelle la CAF utilise dans ses rapports de contrôle la notion particulièrement floue de « vie maritale » ou de « couple ». Termes qui ne veulent absolument rien dire en termes juridiques. 

 

NATURELLEMENT, IL SERAIT NÉCESSAIRE ET UTILE QUE DES FEMMES, COLLECTIVEMENT ORGANISEES, TROUVENT LA FORCE NECÉSSAIRE POUR ALLER JUSQU’AU BOUT DE PROCÉDURES JUDICIAIRES QUI METTENT LA CAF DANS L’OBLIGATION DE CLARIFIER SES PRATIQUES ET DE RENONCER ÀTOUT CE QUI RELÈVE DE L’INTRUSION DANS LA VIE PRIVEE. 

 

Mais en attendant des procédures qui dureront des années, nous devons absolument nous défendre. Car même quelques victoires juridiques ne suffiraient pas : en ce qui concerne l’octroi des allocations familiales aux enfants de certains étrangers, malgré des condamnations individuelles innombrables, des positionnements très clairs de la Cour de Cassation et des avis de la HALDE, la CAF continue à refuser les prestations de manière totalement illégale. 

 

Réagir dès maintenant signifie d’abord déjouer la stratégie de la CAF qui fera tout pour que vous reconnaissiez vous-même un lien de solidarité financière avec le compagnon qu’elle désire vous imposer. 


Tout au long de la procédure, la CAF, tentera par divers moyens de vous faire reconnaître le « concubinage » : on tentera de vous persuader qu’il s’agit de « légaliser » la situation, de rendre le calcul de vos droits plus « facile ». 

 

CERTAINS CONTROLEURS VOUS DIRONT BENOITEMENT, SUR LE TON DE LA FAUSSE COMPLICITE : 

« Vous savez comment c’est, pour être tranquille, avec l’administration, il vaut mieux rentrer dans une case préexistante ».  

Ne cédez pas ! En réalité, si votre situation n’entre pas dans les cases destinées à qualifier la vie maritale, c'est-à-dire formellement le mariage ou le PACS, c’est tout simplement que votre statut légal est celui de célibataire, quelles que soient vos relations privées avec un, deux, ou trois hommes/femmes. 

 

DE LA MÊME MANIERE, ET MÊME SI C’EST PLUS DIFFICILE, LE STATUT DE CONCUBINS, TANT QU’IL A DONNE LIEU ÀUNE SIMPLE DÉCLARATION ET NON À DES ÉCHANGES FINANCIERS FORMALISÉS, N’EST PAS FORCEMENT SYNONYME DE DÉCLARATION A LA CAF. 

 

Ne répondez jamais à  la question piège « vivez-vous en couple ?» : exigez une formulation de la question qui corresponde à des critères juridiques, sur laquelle la CAF est autorisée à vous interroger, du type «  Etes-vous mariée », « Etes-vous pacsée », «  Percevez-vous des ressources assimilables à une pension alimentaire ? » 

 

CAR LE SECOND PROBLÈME QUI SE POSE AUX ALLOCATAIRES DANS CE TYPE DE CONTRÔLE CONCERNE LES RESSOURCES : LES CONTROLEURS, LORSQU’ILS SONT EN PRESENCE D’UNE SITUATION QUI LEUR PARAIT « LIMITE » VONT CHERCHER PAR TOUS LES MOYENS A TROUVER LES TRACES D’UNE SOLIDARITÉ FINANCIÈRE ENTRE DEUX INDIVIDUS. ET C’EST AVEC CE TYPE D’INDICES, CUMULES AUX PRESOMPTIONS DE VIE DE COUPLE, QU’ILS VONT DETERMINER LA FAMEUSE VIE MARITALE. 
 

La notion de solidarité  financière selon la CAF. 


Les contrôleurs CAF utilisent tout ce qui va leur tomber sous la main. 

  • si vous vivez ensemble, sous le régime de la colocation ou de l’hébergement, il tentera d’utiliser les factures communes hors loyer (connexion Internet, paiement des impôts locaux, factures de téléphone…), mais aussi les virements éventuels de compte à compte.

  • SI VOUS NE VIVEZ PAS SOUS LE MÊME TOIT, UN VEHICULE PARTAGÉ, DES TRANSFERTS DE COMPTE À COMPTE, UN CHANGEMENT D’ADRESSE NON EFFECTUÉ, PEUVENT FAIRE L’AFFAIRE À LEURS YEUX.

 
 Quelle procédure après le contrôle ? 
 

Comme toujours, il y a le droit et la réalité brutale des pratiques. 

  • En droit, aucune suspension de vos allocations ne devrait être prononcée avant que vous n’ayez eu communication de la décision de la CAF consécutive au contrôle, ainsi que la possibilité de vous défendre sur la base exacte du contenu du rapport.

 

Dans les faits, la CAF coupe très rapidement les allocations suite à un contrôle qu’elle considère « positif ». Bien souvent, les allocataires reçoivent un courrier lapidaire APRES la coupure des allocations. 

Pire, si certaines allocations échappent à l’objet du contrôle, la CAF se permet de saisir une partie de ces allocations : par exemple, les allocations logement, si seul le RSA ou l’API est concernée. 

De plus à partir du 1er janvier 2010, cette pratique est légalisée et peut même permettre la saisine immédiate des allocations familiales au sens strict, les seules qui échappent à toute condition de ressources. 

 

Même si c’est très difficile seule, quand on est brutalement privée de ressources et assommée de démarches, nous vous conseillons cependant de vous astreindre à être aussi procédurière que possible. Si l’on vous coupe alors que vous n’avez eu aucun courrier, et dans tous les cas, si vous n’avez pas encore eu communication du rapport de contrôle, faites un courrier dont vous demanderez accusé de réception au guichet. Dans ce courrier, signalez cette suppression de vos prestations sans avertissement, ni accès aux moyens d’organiser votre défense. 

 

La loi, en effet indique que le contenu du rapport du contrôleur fait « foi jusqu’à preuve du contraire ». Par conséquent, le défenseur doit être mis en mesure d’apporter ces preuves, ce qui implique nécessairement qu’il sache ce qu’il doit contester exactement. 

  • En droit, chaque décision peut-être contestée devant la « commission de recours amiable » de la CAF. Celle-ci est composée de membres désignés par le Conseil d’Administration.

 

Bon à savoir : Dans les CAF, le conseil d'administration comprend 24 membres titulaires (*) (26 dans les Dom). Il est composé de 8 représentants des organisations salariées, 5 des employeurs et 3 des travailleurs indépendants, 4 des Udaf, 4 personnes qualifiées. Dans les Dom, s'ajoutent 2 représentants des exploitants agricoles. 3 représentants du personnel assistent au conseil avec voix consultative.

 

En clair, les organisations syndicales sont représentées dans les CAF, elles gèrent les prestations sociales et donc aussi les contrôles. Bien évidemment, comme dans d’autres domaines, les syndicalistes présents à ce niveau de responsabilités se moquent éperdument des problèmes des allocataires. À notre connaissance, et en région parisienne, nous n’avons jamais eu un seul retour suite à nos actions contre les contrôles !

Mais cela n’empêche pas de harceler ceux qui prétendent nous défendre ; nous vous conseillons donc de faire le siège des syndicats de votre coin pour avoir des positions claires sur la question des contrôles ! 

 

  • En droit, vous avez deux mois pour faire ce recours, et la commission est censée répondre dans un délai d'un mois.

 

Dans les faits, la plupart des CAF refusant de répondre en temps et en heure aux demandes de communication du rapport de contrôle, vous serez donc tentés de former ce recours "à l'aveugle" pour respecter les délais. Nous vous conseillons plutôt d'attendre et de faire un courrier exigeant le rétablissement immédiat de vos droits dans l'attente de la production de la justification de la décision, par exemple en vous inspirant des arguments développés dans ce modèle de recours en référé au Tribunal Administratif

 

De plus, le délai d'un mois est une immense fiction : nous avons connaissances de refus envoyés au bout de six mois, voire jamais communiqués aux allocataires.

 

Ne comptez donc pas trop sur ce recours, mais faites-le !

Soyez concis, fermes et précis: rappelez-vous une nouvelle fois que vous n'avez aucune compassion à attendre, aucune prise en compte de votre situation sociale à espérer, hormis si vous vous contentez de demander un échéancier un peu moins défavorable, c'est à dire si vous contestez uniquement l'application de la décision et non son contenu.

 

ATTENTION :  la commission de recours, la CAF et certains tribunaux interprètent toute demande d'échéancier ou de remise de dette comme un renoncement implicite à la contestation de la décision elle même !

 

Il vous sera donc très difficile de revenir en arrière ensuite. Et la remise de dette n'est aujourd'hui quasiment jamais plus accordée, même de manière partielle.

 

De notre expérience pratique, les échéanciers de remboursement établis par les CAF elle même sont souvent plus raisonnables quand l'allocataire conteste la décision, et atteste ainsi d'une certaine combativité.

 

Nous pensons donc qu'une demande de ce type qui vous prive de l'accès à d'autres recours dans les faits ne présente pas beaucoup d'intérêt.

 

Le recours contre la décision compte surtout pour la suite: mentionnez donc d'une part toutes les irrégularités dans la procédure :

  • visite du contrôleur en votre absence, et entrée dans les parties communes sans autorisation: il s'agit d'une violation de domicile, et aucun élément à charge ne peut être retenu d'après des observations faites dans ce cadre (par exemple, la présence de deux noms sur la boite aux lettres ou l'interrogatoire de votre voisin sur votre palier)

  • non communication du rapport de contrôle et de l'intégralité de votre dossier si vous l'avez exigé.

 

Et d'autre part c'est le moment de réfuter :

  • le droit de la CAF à qualifier votre rapport avec une autre personne sur les bases évoquées ci-dessus

  • les éléments de fait éventuels qui peuvent de toute façon contrebalancer ce que dit le contrôleur.

 

C'est le moment aussi de relever les diverses atteintes à votre vie privée

  • si votre employeur, des proches, vos voisins ont été interrogés par le contrôleur, et surtout si celui-ci a divulgué des informations en sa possession sur votre vie (ce qui inclut votre statut d'allocataire, d'ailleurs.

  • si le contrôleur s'est livré à des intrusions dans votre vie (espionnage répété autour de votre domicile ou fouilles diverses et variées à votre domicile, même si vous avez accepté cette fouille sous l'intimidation).

 

Gardez évidemment un accusé  de réception de ce recours et une copie de son contenu.

Au bout de deux mois après réception de votre courrier, une non-réponse s'assimile légalement à un refus. 

 

LE RECOURS DEVANT LE PRESIDENT OU LA PRESIDENTE DU CONSEIL GENERAL.

 

Depuis 2004, c'est le Conseil Général qui gérait le RMI. Avec l'instauration du RSA, il est également responsable de l'ex-API, maintenant une modalité spécifique du RSA.

Il ne s'agit pas uniquement d'une responsabilité de principe.

 

Si les contrôles connaissent une recrudescence sans précédent, c'est évidemment à cause de l'orientation politique globale des gouvernants, qui utilisent le concept de « fraude » pour détruire concrètement les droits sociaux qui nous restent.

 

C'est aussi parce que la gestion de la pauvreté se fait désormais de manière décentralisée: les présidents de Conseils Généraux, avec le RSA, sont à la fois ceux qui gèrent l'allocation et son contrôle, mais aussi parmi les premiers employeurs de précaires avec les autres collectivités territoriales.

 

L'équation est finalement simple: moins les précaires peuvent bénéficier de droits sociaux, moins le Département dépense en budget « social ». Plus ces mêmes précaires sont privés de ressources, et plus les emplois pourris à temps partiel trouvent preneur, à commencer par ceux qui font fonctionner les services « publics » : écoles, crèches, administrations...

 

Le Réseau Solidaire d'Allocataires depuis deux ans maintenant, ne se contente pas d'un rapport de forces quotidien avec la CAF. Notre objectif est de trouver les moyens collectifs de mettre en accusation les résponsables de la politique de contrôle, des élus qui peuvent parfaitement la modifier.

 

Encore faut-il s'organiser, même seul et mettre la pression sur les élus sans interruption.

 

 

Quelques conseils, si vous êtes seul dans cette démarche:

 

  • ne pas le rester: écrire un témoignage public, en indiquant votre département et éventuellement votre ville. Vous pouvez nous l'envoyer, nous le publierons, et cela vous permettra peut-être de rencontrer d'autres allocataires voisines et concernées.

  • Saisir immédiatement vos élus :

Chaque conseil général a un site, où vous trouverez l'identité du Président du Conseil Général, et celle des conseillers et vice-président(e)s. Sélectionnez tous ceux dont le domaine de compétences correspond de près ou de loin à votre situation. Donc pas forcément seulement celui ou celle qui s'occupe des Affaires Sociales, mais aussi celui qui traite des questions d'emploi, de la petite enfance, de l'égalité hommes/femmes.

 

A ce niveau de responsabilités, il est bien rare que les élus ne cumulent pas avec d'autres fonctions. Donc tapez leur nom dans un moteur de recherche et vérifier s'ils ne sont pas maires ou conseillers municipaux de votre commune, députés, conseillers régionaux...

  • Trouvez également les élus les plus en vue dans l'opposition à la majorité de votre conseil général.

 

Comment on interpelle ces responsables ?

 

  • Oubliez d'office la possibilité d'une compréhension de vos problèmes: inutile de penser qu'un courrier suscitera une réponse, et une solution si vous vous contentez d'exposer l'injustice de la situation.

  • Comme avec la CAF, la preuve de l'envoi est nécessaire: envoyez un mail ou un recommandé, pas une lettre simple. Nous avons eu mille fois À faire face à des élus dans des occupations après que les intéressés leur aient écrit, encore et encore. La réponse est toujours «  nous n'avons pas eu connaissance de ce dossier ».

  • Doublez ou triplez les envois si l'élu a plusieurs fonctions. Mettez en avant d'abord toutes les irrégularités dans la procédure, et la responsabilité de l'élu dans le contrôle des pratiques de la CAF: psychologiquement, la première chose dont votre interlocuteur doit prendre conscience, c'est qu'il a en face de lui, non pas une victime démunie, mais un précaire qui s'est renseigné sur ses droits et qu'on peut difficilement culpabiliser. Ne lui demandez pas une « aide », un « soutien », mais une prise de position sur votre situation: ce que vous devez mettre en avant, ce n'est ni votre honnêteté, ni votre bonne volonté mais votre situation sociale, le fait que l'on s'attaque à une personne aux ressources faibles, avec des problèmes financiers déjà existants, et que l'on compromet sciemment ses possibilités d'insertion, alors qu'on lui demande sans arrêt par ailleurs de faire des efforts.

  • Les courriers seuls ne servent à rien: il va falloir vous déplacer et les harceler pour avoir votre interlocuteur en face de vous.

Cela nécessite de la patience et de la répétition: rappelez et rappelez encore, vous avez en face de vous des personnes dont le métier est de filtrer l'accès aux élus. S'ils vous disent qu'ils vous rappelleront, ils ne rappelleront pas.

 

  • Au bout de deux ou trois coups de fils, n'hésitez donc pas à leur dire que le refus de rendez-vous est manifeste et que vous en ferez état publiquement.

  • lors du rendez vous finalement obtenu, attention: un élu n'a jamais de raison d'être désagréable ou de vous dire son avis réel sur votre dossier et qu'il ne fera absolument rien, bien au contraire. Dans ce cadre, un tout petit geste concret, un engagement même minime vaut mieux que toutes les déclarations.

Vous lui avez écrit un courrier avant, il connaît donc votre situation précise, inutile de vous étaler, au contraire. Le rendez-vous ne durera pas longtemps ; ce qui importe, c'est revenir à l'essentiel en répétant sans arrêt une phrase du genre « A la finale, c'est le conseil général qui décidera de la décision à prendre. »

 

Demande d'annulation de la dette ou échelonnement ?

 

Nous sommes un collectif de précaires, pas des juristes.

Pour nous, le droit est avant tout un élément du rapport de forces, mais pas le fondement sur lequel décider une stratégie.

 

Nous avons vu plus haut pourquoi le concept de vie marie maritale peut être remis en cause juridiquement, notamment en ce qui concerne la solidarité financière, hors les cas du mariage et du PACS.

 

Mais même dans ces cas-là où juridiquement vous êtes en tort si vous n'avez pas déclaré le mariage ou le PACS, ou si la séparation n'a pas été formalisée, votre recours s'adresse à la CAF, mais aussi comme nous l'avons vu au Président du Conseil Général.

 

Vous pouvez donc demander l'annulation au nom du réel, par exemple si aucune solidarité financière n'existe entre vous et votre mari dans les faits.

 

Dans ce cas, il faudra bien sûr reconnaître que la loi n'est pas de votre côté. Mais aussi que cette même loi permet aux présidents de Conseils Généraux de statuer comme ils le veulent sur votre cas, de ne pas demander la récupération de l'indu, notamment. Et c'est en mettant en avant le résultat du recouvrement de la dette, c'est À dire la mort sociale, car vous n'êtes pas en mesure de payer, que vous pouvez demander l'annulation.

 

De toute façon, demander l'annulation, ce n'est pas un risque.

 

En cas de rejet, refaire une demande d'échelonnement, si continuer àlutter est au dessus de vos forces, est toujours possible

 

 

LE TRIBUNAL ET/OU LA LUTTE COLLECTIVE ?

 

Une fois épuisés tous les recours, celui de la CAF et celui du Conseil Général, la voie est ouverte pour un éventuel recours À la justice. de classe.

 

Notre point de vue est encore une fois celui d'un collectif de précaires: la justice, ça demande du temps et toujours un peu d'argent. Si l'aide juridictionnelle est en théorie accessible à toute personne privée de toutes ressources, l'éternelle question des justificatifs est particulièrement d'actualité pour les contrôlés à qui la CAF attribue des revenus qu'ils n'ont pas.

 

Passé ce premier écueil, encore faut-il trouver l'avocat qui acceptera de bosser sur ce type de dossiers, pour le montant de l'AJ, et qui pourra le faire correctement.

 

Les recours contre les décisions de la CAF et du Conseil Général se font au Tribunal Administratif, et la requête doit y être motivée et étayée en droit. Il n'y a pas la possibilité de déposer formellement le recours et d'attendre ensuite l'approche de l'audience pour commencer à argumenter.

 

Ensuite, c'est l'attente, de plusieurs mois À une année entière, voire plus selon les régions. Et quasi systématiquement la CAF fait appel.

 

Bref, la justice ne résoud rien dans l'immédiat. Et se retrouver sans ressource, avec une dette et éventuellement une plainte pour fraude, c'est un problème immédiat.

 

Nous avons donc comme pratique, l'action immédiate et collective, la confrontation et la solidarité qui permettent notamment d'accéder à des interlocuteurs normalement inacessibles aux allocataires comme la direction d'une CAF ou un élu.

 

Collectivement, nous développons des arguments juridiques comme dans ce guide. Pourquoi ?

 

D'abord, parce qu'en face, les juristes et les administratifs ont besoin d'incarner des modèles de droiture et de respect de la loi pour rester crédibles dans leur dénonciation de la « fraude », et notamment quand leur activité est placée sous la responsabilités d'hommes politiques.

 

Montrer qu'on connaît le peu de droits qui nous restent, c'est montrer qu'on n'a pas intériorisé le discours contre la fraude, qu'on n'est pas dans la peau du coupable qui minimise les dégâts en s'inclinant.

 

Nous pensons aussi que le partage du savoir juridique est essentiel: les points que nous marquons, notamment dans l'accès aux rapports de contrôle, ou dans les cas dans lesquels la CAF est obligée de revenir en arrière sur la « vie maritale » ne sont pas le résultat d'avis d'experts extérieurs et pas non plus ceux de la seule lecture des décrets et des circulaires, des lois, et des rapports. Mais le fruit du partage, de la lutte pied par pied sur chaque contrôle où des précaires choisissent de mettre en commun leurs faiblesses et leurs forces.

 

Ensemble, nous pouvons par exemple y travailler sur des recours individuels, mais aussi et surtout trouver les moyens de ripostes collectives.

 

Dans la suite de ce guide qui sera publiée régulièrement sur ce blog, nous mettrons en ligne l'ensemble des textes de loi, des décrets concernant les contrôles et leur objet , mais aussi des exemples concrets de contrôle qui se sont bien terminés grâce à la détermination de l'allocataire, et à la mobilisation collective.

 

Nous aborderons aussi la question, de plus en plus épineuse, des contrôles des ressources, et des suppressions d'aide pour cause d'aide de proches, ou de petites économies personnelles.

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